Deux récents arrêts du Tribunal de l’Union Européenne (ci-après le Tribunal), en date du 12 novembre 2010, permettent de faire utilement le point sur les difficultés rencontrées par les opérateurs économiques qui envisagent de déposer comme marque une couleur en tant que telle ou une combinaison de couleurs (Affaires T-404/09 et T-405/09, « Deutsche Bahn AG c/ Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur », consultables sur le site http://curia.europa.eu/).
Ces deux arrêts, dont la motivation est en tous points identique, ont en effet rejeté le recours formé par la société allemande Deutsche Bahn AG contre la décision du 23 juillet 2009 de la Première Chambre de Recours de l’Office de l’Harmonisation dans le Marché Intérieur (ci-après OHMI ou Office Communautaire des Marques et Dessins et Modèles), qui avait elle-même rejeté le précédent recours formé par Deutsche Bahn AG contre une décision de l’examinateur de l’OHMI qui avait refusé d’enregistrer comme marque communautaire une combinaison de couleurs « gris clair – rouge signalisation ».
Dans la demande d’enregistrement du 7 mars 2008, qui est la seule que nous analyserons ci-après, Deutsche Bahn AG avait décrit la marque comme suit :
« Le gris clair (RAL 7035) est situé à côté du rouge signalisation (RAL 3020). Le rapport des couleurs entre elles est tel que gris clair : rouge signalisation : gris clair = 1 : 1 ».
Les services pour lesquels l’enregistrement étaient demandés étaient : «Transport de personnes et de marchandises par voie ferrée ».
L’examinateur de l’OHMI et le Tribunal ont rejeté cette demande de marque communautaire pour absence de caractère distinctif, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du Règlement n° 40/94 (devenu article 7, paragraphe 1, sous b), du Règlement n° 207/2009 sur la marque communautaire), qui dispose que « sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif».
Le Tribunal, pour rejeter la demande, a distingué les conditions dans lesquelles une couleur en elle-même, ou une combinaison de couleurs, sont susceptibles de constituer une marque, d’une part, des conditions dans lesquelles elles sont susceptibles d’avoir un caractère distinctif pour les produits ou services désignés, d’autre part.
A quelles conditions une couleur en elle-même, ou une combinaison de couleurs, sont-elles susceptibles de constituer une marque ?
Selon le Tribunal, qui a appliqué au cas d’espèce sa jurisprudence précédente comme celle de la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après la Cour), trois conditions doivent être remplies pour que des couleurs ou combinaisons de couleurs puissent constituer une marque. Premièrement, elles doivent constituer un signe. Deuxièmement, ce signe doit être susceptible d’une représentation graphique. Troisièmement, ce signe doit être propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (arrêt de la Cour du 6 mai 2003, « Libertel », C-104/01).
Au titre de la première condition, la Cour a jugé qu’il ne pouvait pas être présumé qu’une couleur en elle-même constitue un signe. En effet, une couleur est normalement une simple propriété des choses. Toutefois, en fonction du contexte dans lequel elle est utilisée, une couleur est susceptible de constituer un signe en relation avec un produit ou un service (arrêt « Libertel » précité).
Au titre de la deuxième condition, la Cour a jugé qu’une représentation graphique doit permettre au signe d’être représenté visuellement, de sorte qu’il puisse être identifié avec exactitude. A ce titre, on rappelle que l’article 4 du Règlement n° 207/2009 sur la marque communautaire dispose que « peuvent constituer des marques communautaires tous les signes susceptibles d’une représentation graphique… » Pour remplir sa fonction, la représentation graphique doit être claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective (arrêt de la Cour du 12 décembre 2002, « Sieckmann », C-273/00).
Pour les juges communautaires, le simple dépôt d’un échantillon de couleur sur un support papier, tel qu’un formulaire de marque, ne remplit pas ces exigences dès lors que l’échantillon de couleur risque de s’altérer avec le temps. Le caractère durable de la représentation graphique n’est pas rempli dans ce cas.
Cependant, on doit noter que depuis l’arrêt « Sieckmann » rendu par la Cour en 2002, le dépôt électronique et la publication de la marque communautaire dans des bulletins en ligne se sont fortement développés.
Or, la représentation en ligne d’une marque de couleur ne risque pas de s’altérer avec le temps, contrairement à une représentation sur un support papier.
Toutefois, le dépôt, même en ligne, d’un échantillon de couleur ne semble, en toutes hypothèses, ni suffisamment clair ou facilement accessible et intelligible au sens de la jurisprudence.
C’est pourquoi la Cour, dans son arrêt « Libertel » précité, a jugé que pour constituer une représentation graphique valable, le demandeur devait associer à l’échantillon de couleur une description verbale (précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible et objective) de la couleur revendiquée et/ou une désignation de la couleur au moyen d’un code d’identification internationalement reconnu.
La référence à des codes de couleurs internationalement reconnus, qui sont réputés précis et stables, est également recommandée par l’OHMI dans ses directives d’instruction et manuel d’aide au dépôt de marque.
Il est également constant que si la marque associe plusieurs couleurs, sa représentation graphique doit comporter, outre l’identification des couleurs au moyen d’un code international, un agencement systématique associant les couleurs concernées de manière prédéterminée et constante. En effet, la simple juxtaposition de deux ou plusieurs couleurs sans forme ni contour autoriserait de nombreuses combinaisons différentes qui ne permettraient pas au public concerné d’appréhender et de mémoriser une combinaison particulière qu’il pourrait utiliser pour réitérer, avec certitude, une expérience d’achat.
Cette exigence de représentation graphique claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective a été apparemment respectée par la société Deutsche Bahn AG puisque cette société, en plus de reproduire sa marque en couleur, l’a décrite de la façon suivante : « le gris clair (RAL 7035) est situé à côté du rouge signalisation (RAL 3020). Le rapport des couleurs entre elles est tel que gris clair : rouge signalisation : gris clair = 1 : 1 ».
Quant à la troisième condition, qui est de savoir si une couleur en elle-même est propre à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises, la Cour a jugé qu’il fallait apprécier si les couleurs en elles-mêmes sont aptes ou non à transmettre des informations précises, notamment quant à l’origine d’une marchandise ou d’un service.
À cet égard, la Cour a jugé que si les couleurs sont propres à véhiculer certaines associations d’idées et à susciter des sentiments, en revanche, de par leur nature, elles sont peu aptes à communiquer des informations précises. Elles le sont d’autant moins qu’elles sont habituellement et largement utilisées dans la publicité et dans la commercialisation des produits et des services pour leur pouvoir attractif, en dehors de tout message précis (arrêt « Libertel » précité ; voir aussi arrêt de la Cour du 21 octobre 2004, « KWS Saat AG », C-447/02 ; arrêt du Tribunal du 12 novembre 2008, « GretagMacbeth LLC », T-400/07).
Cependant d’après la Cour, il ne serait pas justifié de déduire de cette constatation d’ordre factuel une interdiction de principe de considérer les couleurs en elles-mêmes comme étant propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises. En effet, il ne peut pas être exclu qu’existent des situations dans lesquelles une couleur en elle-même puisse servir d’indication d’origine des produits ou des services d’une entreprise. Il convient donc d’admettre, selon la Cour, que les couleurs en elles-mêmes peuvent être propres à distinguer les produits ou les services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises.
Une couleur en elle-même ou une combinaison de couleurs sont donc susceptibles de constituer une marque aux conditions précitées.
A quelles conditions une couleur en elle-même ou une combinaison de couleurs sont-elles susceptibles d’avoir un caractère distinctif pour les produits ou services visés dans la demande de marque ?
Selon une jurisprudence constante, la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance. Une marque doit distinguer les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée. À cet égard, il convient de tenir compte à la fois de l’utilisation habituelle des marques comme indication d’origine dans les secteurs concernés et de la perception du public pertinent.
Pour la Cour comme pour le Tribunal, la perception du public pertinent n’est pas nécessairement la même dans le cas d’un signe constitué par une couleur en elle-même et dans le cas d’une marque verbale ou figurative, qui consiste en un signe indépendant de l’aspect des produits qu’elle désigne. En effet, si le public a l’habitude de percevoir, immédiatement, des marques verbales ou figuratives comme des signes identificateurs de l’origine du produit, il n’en va pas nécessairement de même lorsque le signe se confond avec l’aspect du produit pour lequel l’enregistrement du signe en tant que marque est demandé.
Les consommateurs n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se basant sur leur couleur ou sur celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, parce qu’une couleur en elle-même n’est pas, dans les usages commerciaux actuels, en principe utilisée comme moyen d’identification. La propriété inhérente de distinguer les produits d’une certaine entreprise fait normalement défaut à une couleur en elle-même.
Pour ces raisons, dans le cas d’une couleur en elle-même, l’existence d’un caractère distinctif avant tout usage ne pourra se concevoir, selon la jurisprudence communautaire, que dans des circonstances exceptionnelles, et notamment lorsque le nombre des produits ou des services pour lesquels la marque est demandée est très limité et que le marché pertinent est très spécifique.
Toutefois selon cette même jurisprudence, même si une couleur en elle-même n’a pas ab initio un caractère distinctif, elle peut l’acquérir, en rapport avec les produits ou les services revendiqués, à la suite de son usage. Un tel caractère distinctif peut être acquis, notamment, après un processus normal de familiarisation du public concerné. Dans un tel cas, l’autorité compétente sera tenue d’apprécier globalement les éléments qui peuvent démontrer que la marque est devenue apte à identifier le produit concerné comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d’autres entreprises.
Sur l’intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs
En tout état de cause, pour apprécier le caractère distinctif qu’une couleur ou combinaison de couleurs déterminées peut présenter en tant que marque, l’autorité compétente, qu’il s’agisse d’un examinateur de l’OHMI ou de l’INPI ou encore d’un juge, devra tenir compte de l’intérêt général à ne pas restreindre indûment la disponibilité des couleurs pour les autres opérateurs économiques offrant des produits ou des services du type de ceux pour lesquels l’enregistrement de marque est demandé.
En effet, le nombre réduit des couleurs effectivement disponibles a pour résultat qu’un petit nombre d’enregistrements en tant que marques pour des services ou des produits donnés pourrait épuiser toute la palette des couleurs disponibles.
La possibilité d’enregistrer une couleur en elle-même ou une combinaison de couleurs en tant que marque doit donc faire l’objet de restrictions fondées sur l’intérêt public, et ce d’autant plus que la marque, une fois enregistrée, confère à son titulaire un droit exclusif potentiellement illimité dans le temps lui permettant d’interdire à tout tiers de reproduire ou d’imiter sa marque pour désigner des produits identiques ou similaires à ceux visés dans l’enregistrement.
L’appréciation du Tribunal dans l’affaire « Deutsche Bahn AG »
C’est au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent que le Tribunal, dans l’affaire rapportée, a approuvé l’examinateur de l’OHMI d’avoir refusé d’enregistrer la demande de marque de la société Deutsche Bahn AG, cette demande portant, on le rappelle, sur une combinaison de couleurs gris clair – rouge signalisation pour désigner des services de « transport de personnes et de marchandises par voie ferrée ».
Le Tribunal a en effet constaté que ces deux couleurs ne présentaient pas d’écart perceptible, pour le public concerné, par rapport aux couleurs communément utilisées pour les services visés.
En effet d’après le Tribunal, le gris clair est communément utilisé sur les équipements techniques de fourniture de services de transport ferroviaire, telles que, par exemple, les parties de locomotives ou de wagons et les armoires de commande le long des voies ferrées.
La couleur rouge signalisation est quant à elle utilisée en tant que couleur d’avertissement pour les panneaux de signalisation et en tant que couleur permettant de capter l’attention du consommateur dans les messages publicitaires.
Le signe demandé est ainsi composé d’une combinaison de deux couleurs qui, prises individuellement, n’ont pas de caractère distinctif.
Cette absence de caractère distinctif vaut également si on étudie le signe dans son ensemble.
Ce signe est en effet composé de trois bandes longitudinales de couleur suivant les proportions indiquées dans la demande d’enregistrement.
Or dès lors que le gris clair peut être perçu comme du blanc sale, la combinaison de couleurs en cause s’avère être très proche de la combinaison de blanc et de rouge signalisation qui est utilisée sur les barrières ferroviaires et les panneaux routiers indiquant des voies de chemins de fer.
L’examinateur de l’OHMI a également pu constater que les lignes longitudinales de couleur objet de la demande de marque sont communément utilisées comme éléments de décoration sur les trains.
Le signe demandé, pris dans son ensemble, sera donc perçu par le public pertinent comme un élément fonctionnel ou décoratif et non comme une indication de l’origine commerciale des services en cause.
Enfin, l’enregistrement du signe demandé, s’il était accordé, serait susceptible de conférer à la société Deutsche Bahn AG un monopole sur une combinaison de couleurs courante dans le secteur des transports ferroviaires.
Le Tribunal en a conclu que le signe demandé était dénué de tout caractère distinctif en relation avec les services désignés dans la demande de marque.
Autres affaires portant sur des marques de couleur
Il existe de très rares cas dans lesquels une couleur ou une nuance de couleur déposées en tant que telle comme marque ont été enregistrées ou validées a posteriori par la jurisprudence.
Le Tribunal, dans un arrêt du 9 octobre 2002, a ainsi annulé une décision de la Deuxième Chambre de Recours de l’OHMI qui avait refusé d’enregistrer une demande de marque communautaire consistant en une nuance de couleur orange visant des services de la classe 42 (affaire « KWS Saat AG », T-173/00).
La demande de marque consistait en une nuance de couleur orange référencée sous le code couleur international HKS7 et visant les services suivants : « conseils techniques et consultation professionnelle d’affaires dans le domaine de la culture des plantes, en particulier dans la branche des semences » (classe 42).
Pour « valider » cette demande de marque communautaire, le Tribunal a relevé qu’en ce qui concerne les services, une couleur ne s’applique pas au service lui-même, qui est par nature incolore (nous ajouterons immatériel), et ne lui confère aucune valeur substantielle. Le public pertinent peut donc distinguer l’usage d’une couleur correspondant à un simple élément décoratif de son utilisation en tant qu’indicateur de l’origine commerciale du service.
Le Tribunal a également jugé que cette nuance de couleur orange pouvait être facilement et immédiatement mémorisée par le public pertinent en tant que signe distinctif pour les services désignés dès lors qu’il n’était pas établi que cette couleur remplissait d’autres fonctions plus immédiates.
À ce titre, la faiblesse communicationnelle d’une telle marque, résultant du fait qu’en l’absence d’éléments graphiques supplémentaires, elle ne permettait pas d’identifier, à elle seule, la requérante en tant que prestataire des services concernés, était sans incidence sur le caractère distinctif de ladite marque.
En effet pour le Tribunal, il n’est pas nécessaire que le signe demandé transmette une information précise quant à l’identité du prestataire de services. Il suffit que la marque permette au public concerné de distinguer le service qu’elle désigne de ceux qui ont une autre origine commerciale.
La 12ème Chambre Section 1 de la Cour d’Appel de Versailles, dans un arrêt « Milka » largement commenté du 27 avril 2006, a également jugé que la marque « Milka » de couleur « mauve-lilas » de la société Kraft Foods Schweiz Holding, enregistrée notamment pour du chocolat, bénéficiait d’une renommée certaine sur le territoire français.
Pour ce faire, la Cour d’Appel a notamment considéré que cette marque « Milka » avait toujours été associée depuis le début du 20ème siècle à la couleur mauve, que selon la Revue des Marques, 125 millions de tablettes seraient consommées tous les ans en France, que certains articles de presse désignent la marque de chocolat tout simplement sous l’expression « la marque mauve » ou « la vache mauve » et que les activités de parrainage de Kraft Foods dans le domaine du ski depuis 1995 au niveau international se font autour de la couleur « mauve-lilas » avec la « piste mauve », des bonnets de ski « mauve » et la possibilité offerte au public de dévaler la « piste mauve » dans plusieurs stations de ski français.
Plus récemment, la 2ème Chambre de la Cour d’Appel de Rennes, dans un arrêt du 27 avril 2010 (RG 2009/02806), a jugé valable une marque française constituée de la combinaison des nuances de couleurs verte et jaune, dites pantone 347 et pantone yellow, cette marque désignant notamment des « stores ».
Pour la Cour d’Appel, la représentation graphique du signe telle qu’elle figure dans l’enregistrement révèle que celui-ci procède bien d’un arrangement de couleurs déterminées sous la forme précise de deux bandes verticales, peu important que l’énoncé descriptif de la marque ne comporte pas de précisions relativement à cette disposition.
D’après la Cour d’Appel, il ne peut davantage être soutenu que cette marque est dépourvue de tout caractère distinctif, alors que la combinaison de vert et de jaune est, pour désigner les produits visés au dépôt, suffisamment arbitraire.
Cette combinaison ne reprend en effet nullement les couleurs naturelles des produits désignés, notamment des stores.
La circonstance que les couleurs verte et jaune seraient évocatrices de nature et de soleil et, partant, d’été et de vacances, ne confère pour autant pas au signe litigieux un caractère simplement descriptif des produits désignés ou de l’une de leurs qualités essentielles.
Enfin, rien ne démontre que l’association des couleurs verte et jaune serait usuellement utilisée pour désigner des stores au point d’être devenue un code couleur connu du public, les quelques documents publicitaires ou commerciaux versés aux débats n’attestant que d’un usage sporadique de ces couleurs ou, en tout cas, d’une reprise de cette combinaison dans des nuances ou des arrangements notablement différents de ceux adoptés par le signe litigieux.
Au vu de toute la jurisprudence précitée, il apparaît particulièrement difficile de déposer une couleur en tant que telle ou une combinaison de couleur comme marque.
En outre, l’auteur de ces lignes pense, malgré l’arrêt de la Cour d’Appel de Rennes précité, qu’une couleur en tant que telle ou une combinaison de couleurs n’est jamais intrinsèquement distinctive ou distinctive ab initio. En effet, une couleur en tant que telle, contrairement à un mot, par exemple, est une simple propriété des choses et ne peut servir ab initio comme indication d’origine d’un produit ou d’un service.
C’est donc uniquement grâce à un usage long et répété qu’une couleur va pouvoir acquérir au fil du temps, aux yeux des consommateurs concernés, un caractère distinctif leur permettant d’établir un lien entre cette couleur et les produits ou services désignés et de voir dans la couleur en cause, non un simple motif décoratif, mais une indication d’origine précise.
Rapporter la preuve qu’une couleur a ainsi acquis un caractère distinctif par l’usage sera toutefois tout sauf aisé.
En effet, dans le cas d’une demande de marque communautaire, le Tribunal exige que l’acquisition de ce caractère distinctif ait eu lieu antérieurement au dépôt de la demande de marque (arrêt du Tribunal du 29 septembre 2010, affaire « CNH Global NV », T-378/07 ; arrêt de la Cour du 11 juin 2009, affaire « Imagination Technologies Ltd », C-542/07).
Au surplus, l’acquisition, par la marque de couleur demandée, d’un caractère distinctif par l’usage doit être établie dans l’ensemble de l’Union Européenne, à l’exception de la partie de l’Union dans laquelle la marque demandée aurait déjà eu ab initio un tel caractère.
Seules, a priori, les marques de couleur de sociétés multinationales peuvent remplir ces conditions puisque cela implique de détenir une importante part de marché et d’avoir consacré d’importantes sommes, notamment publicitaires, à la promotion de la marque.
Précisons toutefois que le caractère distinctif d’un signe, y compris celui acquis par l’usage qui en a été fait, doit être apprécié, non pas par rapport à la population en général, mais par rapport aux destinataires des produits ou services visés dans la demande de marque. C’est donc « uniquement » aux yeux de ce public pertinent qu’une marque de couleur doit avoir acquis un caractère distinctif par l’usage pour être protégée.
Olivier MANDEL
Avocat Associé
Cabinet MANDEL & ASSOCIES